Hommage aux déportés du camp de L.-B.. Discours de Mme Yvette Ferrand
vendredi 2 décembre 2005

Lamotte-Beuvron le 27 Novembre 2005, devant le Centre médical des Pins.

Cérémonie de dévoilement de la plaque gravée à la mémoire des familles juives internées au Sanatorium des Pins.

Allocution de Mme Yvette Ferrand Présidente de I’AREHSVAL (avec son aimable autorisation)
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Cérémonie du 27 novembre 2005 Juillet 1942 :
Camp de Lamotte-Beuvron

Plus de 100 juifs, des familles, sont internés là depuis le printemps. La plupart vient du camp de Poitiers surchargé.

Dès 1939, le sanatorium, désaffecté, avait reçu des réfugiés espagnols, puis à l’automne 40, des expulsés du Calvados et des Tziganes français. Ces Tziganes furent transférés à Jargeau d’où ils ne furent pas déportés. Parmi eux est mort au camp, de misère physiologique, un "enfant de roulotte", comme l’écrit le bon docteur du camp, qui ne juge pas utile de citer son nom dans le rapport.

A l’été 42, arrivés le 12 mars, ce sont des juifs qui sont là, gardés par des gendarmes français. Parmi eux, Madame Goldberg, dont le mari a déjà été déporté, et sa petite Léa, âgée de deux ans. Madame Goldberg hospitalisée, sa petite fille reste seule. Henri Drussy, maire de Blois, apprenant cela, fait libérer la fillette et la place chez Blanche et Pierre Allard, intendant de l’hôpital de Blois-Vienne. La petite passera là, la fin de l’occupation, choyée par cette famille et par Jacqueline Drussy, la fille du maire, qui aime infiniment cette petite "Lisette".

A Lamotte-Beuvron, se trouve également la famille Rozenfarb.
Il y a : Simon, le papa, qui est chauffeur, Nacha, la maman de Yetti, dite Renée, née à Nancy le 12 mars 1936 et qui a donc 6 ans.
A Lamotte, ils se trouvent mieux qu’à Poitiers. Le bâtiment est en pierre, situé au milieu des arbres. Renée peut courir dans l’herbe, ramasser des fleurs et jouer avec les autres enfants : Marcel, 5 ans ; Pierre, 4 ans ; Georges, 8 ans ; Estelle, 4 ans et son frère Maurice, 8 ans ; Bella, 12 ans ou Denise, 11 ans et sa sœur Régine, 7 ans, et d’autres encore plus grands.

Par contre, ils ne vont pas à l’école, la Préfecture ne jugeant pas utile de leur donner cette possibilité. Au printemps 1942, ils fêtent la Pâque juive entre eux, ils chantent, se reprennent à espérer.

C’est alors que le 27 juillet, ce même Préfet : Jacques-Félix Bussière - dont une salle actuelle de la Préfecture porte le nom, car il est mort en déportation - fait transférer 98 juifs du camp de Lamotte-Beuvron à celui de Pithiviers, après en avoir reçu l’ordre de l’intendant de la police délégué sous couvert du Préfet Régional qui exécutait là l’ordre de l’occupant.

Dès le 31 juillet 1942, par le convoi n° 13, partent pour Birkenau, des adultes et des adolescents. Parmi eux, Simon, que ne reviendra pas.

Le 3 août, par le convoi 14, partent pour Birkenau, les mères à qui les gendarmes français ont arraché leurs jeunes enfants à coup de crosse... Nacha est là ! Aucune survivante.

Ceux qui étaient encore internés à Pithiviers, comme la petite Renée, errent seuls dans le camp, affamés, désespérés, souvent malades.

Pétain et Laval, cédant aux recommandations de Bousquet, décident de les livrer aux Allemands. Ils sont transférés à Drancy où ils arrivent affolés de désespoir.

Le 17 août, convoi 20, Estelle, 4 ans et Maurice, 8 ans, et Pierre, 4 ans, partent avec leurs mères. Ils pourront se serrer contre elles quand ils seront gazés à leur arrivée à Auschwitz.

Le 19 août, convoi 21, Georges, 8 ans est tout seul ;
Marcel, 5 ans, est tout seul ; Denise et sa petite sœur Régine sont ensemble ; Bella est avec sa grande sœur.
Renée, la petite Renée, est toute seule quand les portes de la chambre à gaz se referment sur elle.

Depuis 1999, je demande qu’une plaque soit posée à Lamotte-Beuvron en souvenir de cette ignominie.

Depuis, nous avons créé l’AREHSVAL ;
Simon Ostermann, doctorant à l’Université de Tours, a approfondi le sujet. Il a fait émerger l’ensemble des faits.
Henri Delétang et le Groupe de Recherches Archéologiques et Historiques de Sologne ont publié dans sa revue "La Sologne et son passé" le résultat de nos travaux.

Aujourd’hui, grâce à l’appui spontané de Maurice Leroy, ces petits morts et leurs familles qui me hanteront à jamais, sortent, enfin, de l’abîme d’indifférence où ils étaient plongés depuis plus de 60 ans.

Aujourd’hui, cette plaque posée officiellement, visible à jamais par tous les passants, rappellera à tous ce qui s’est passé là.

Aujourd’hui, chères familles venues de très loin pour pleurer et honorer les vôtres, je suis, nous sommes, à vos côtés.

Les noms des vôtres seront prononcés.

Avec respect,

Avec douleur,

Avec amitié.

Yvette Ferrand


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"Hommage aux déportés du camp de L.-B.. Discours de M. Henri Rozenfarb"

Pour en savoir plus, lire :
" Les Pins " à Lamotte-Beuvron :
du Sanatorium au Centre médical, de 1900 à nos jours.